Le 21 mai 2002 est un jour que Bill Smith n’oubliera jamais.
Journaliste au Post-Dispatch, un média bien connu de Saint-Louis, l’homme est surpris de recevoir une lettre.
Une semaine plus tôt, il a traité de la disparition du cas Teresa Wilson. Tout juste âgée de 36 ans, la demoiselle a été retrouvée sans vie dans une ruelle sombre de West Alton. Peut-être est-ce un témoin désireux de se signaler.
Oh que pas du tout…
Dès les premières lignes, Bill Smith comprend qu’il a affaire au tueur.
Sans pudeur, sans égards, ce dernier lui lance un défi. Dans l’enveloppe se trouve une carte au trésor. Selon les dires de l’auteur, elle mène tout droit au corps de la victime numéro 17.
Estomaqué, Bill se glisse dans son fauteuil en cuir.
Les yeux clos, l’homme reprend son souffle. Une fois calmé, il dépose la lettre sur la table et appelle la police. Commence alors une chasse à l’homme faisant intervenir prestataires internet, chiens pisteurs et agents du FBI.
[Jingle d’introduction]
[Présentation du youtubeur]
Quand les forces de l’ordre reçoivent l’appel de Bill Smith, elles sont sceptiques.
Plus d’une fois, elles lisent la missive :
« Cher Bill, belle histoire sanglante sur Teresa Wilson.
Écrivez-en une sur Greenwade. Écrivez-en une qui soit bonne et je vous dirai où se trouvent beaucoup d’autres.
Pour prouver que je suis réel, voici les directions vers le numéro dix-sept. Cherchez dans un rayon de cinquante mètres autour du X. Mettez l’histoire dans le journal du dimanche comme ce fût le cas pour la dernière. ».
D’accord, le texte fait froid dans le dos. Oui, l’auteur a accolé une jolie carte de West Alton.
Mais peut-être n’est-ce qu’un plaisantin qui recherche son quart d’heures de gloire.
Malheureusement, les pranks de mauvais goût n’ont pas commencé avec TikTok. Depuis la nuit des temps, certains s’amusent à s’inventer des vies. Et à faire perdre leur temps à la police.
Malgré tout, Bill Smith insiste. Et finalement, la police craque.
Une équipe est envoyée sur place. Le cœur lourd, le pas traînant, les agents se rendent dans la zone indiquée. En route, ils maugréent, ils pestifèrent, ils sont convaincus qu’ils ont mieux à faire.
Imaginez leurs têtes quand ils trouvent effectivement un cadavre au lieu indiqué.
Immédiatement, la police sonne le branlebas de combat.
Nous sommes en 2002 et les tueurs en série tels que le Tueur du Zodiaque de New-York, Angel Maturino ou Aileen Wuornos hantent les Américains. Hors de question que le Missouri devienne le terrain de jeu d’un de ces psychopathes.
Dès le début, Melanie Jimenez, une agente du FBI, est mise sur le coup.
Très perspicace, elle parvient à remonter à l’origine de la sanglante carte au trésor. Cette dernière a été mise par Expedia.com.
Le 30 mai, Melanie Jimenez a un entretien avec les responsables d’Expedia. Ces derniers veulent bien coopérer mais il y a un hic. Expedia diffuse les cartes mais ne les génère pas. Seul Microsoft, l’entité chargée de la cartographie, peut aider les enquêteurs.
Vous vous en doutez mais Melanie Jimenez ne se laisse pas freiner par ces soucis administratifs.
Tenace comme un pitbull, elle contacte Microsoft. Une fois la connexion établie, elle demande au géant de la Silicon Valley les informations relatives aux demandes de cartes de West Alton.
Mais attention… Pas n’importe lesquelles. Pour être sûre de trouver le coupable, Melanie Jimenez se concentre sur l’intervalle allant du 18 au 21 mai.
Pourquoi ? Parce que c’est le 18 mai qu’est paru l’article sur Teresa Wilson, celui-là même qui a excité le tueur. Et le 21 mai parce que sur l’enveloppe, le cachet de la Poste affiche cette date.
Quatre jours plus tard, soit le 3 juin 2002, Melanie Jimenez obtient une réponse. Et qu’elle la lit, elle est aux anges.
Durant ce laps de temps, un seul ordinateur a « a zoomé sur la carte de la région de West Alton, Missouri, environ 10 fois dans un ordre chronologique pour aboutir à une correspondance exacte avec la carte ».
Est-ce que vous vous rendez compte de la chance ? Sur les 212 650 habitants de Saint-Louis, un seul coche toutes les cases.
Toujours dans le courriel, l’adresse IP du suspect s’affiche : 65.227.106.78.
Dix chiffres porteurs d’espoir pour toute l’équipe sur l’enquête.
Pour associer un nom à cette adresse, le FBI fait appel à WorldCom Inc. Il s’agit d’une entreprise fournissant des téléphones locaux afin de connecter la population à internet.
Au quotidien, WorldCom attribue une adresse IP temporaire à chaque client pour chaque session internet. Le challenge n’est pas donc uniquement de trouver une adresse. Mais aussi de savoir qui utilisait l’ordinateur en question à ce moment.
En seulement 24 heures, WorldCom revient vers l’agent Jimenez. La firme a la réponse : l’utilisateur MSN/maurytravis.
Étant donné que MSN appartient à Microsoft, les enquêteurs reviennent vers la firme. Enfin, le suspect est identifié. Il s’agit de Maury Troy Travis, un homme de 27 ans vivant au 1001 Ford Drive, à Saint-Louis.
Le 7 juin 2002, un juge délivre un mandat de perquisition. Il est temps d’aller interroger ce mystérieux bonhomme…
L’antre de Dr. Jekyll et Mr. Hyde
Le 1001 Ford Drive n’est pas un ghetto ou un quartier mal famé.
C’est même tout le contraire.
Arrivés sur les lieux, les policiers sont surpris par le calme et la propreté ambiants. Face à eux, une jolie maison de trois chambres occupe un terrain d’environ 1 000 mètres carrés.
De toutes évidences, la famille Travis appartient à la classe moyenne.
Mais bon… Après des années à confronter les criminels de tout genre, les policiers savent très bien que la cruauté peut prendre bien des visages.
D’un pas assuré, le détective Roy Douglas s’avance sous le proche. Droit dans ses bottes, il appuie fermement sur la sonnette.
Dans l’une des trois chambres de la maison, Maury Troy Davis grogne. Qui ose le déranger de si bonne heure ? Nous sommes vendredi, il est à peine huit heures. Travaillant comme serveur, Maury avait pour ambition de faire la grasse matinée. Hélas, son plan vole en éclats.
Toujours en pyjama, un peu grognon, Maury Davis se décide à aller ouvrir. Face aux agents, il ne perd pas une minute pour exprimer sa frustration : « Il est sept heures du matin. Pourquoi êtes-vous là ? ».
D’une voix calme, Roy Douglas lui répond : « Vous savez très bien pourquoi ».
Maury Travis fait un pas sur le côté et laisse entrer les policiers. Sans cris ni violence, il les installe confortablement dans son salon. Puis, il va se changer dans sa chambre et revient.
Autour d’une table s’asseyent Maury Troy Davis, l’enquêteur Sachs et un profiler du FBI. Juste à côté, l’agent spécial James Walker et Sir Douglas observent la scène. Équipés de gants, de luminol et d’appareils photos, d’autres policiers commencent à inspecter les lieux.
Pas une seule fois, Maury Troy Davis ne questionnera les forces de l’ordre sur leur présence.
Impassible, il reste assis, son chat sur les genoux, son regard planté dans le regard de Sachs. Les rares fois où une question lui est posée, il se contente de la reposer à son interlocuteur.
Et puis, ce qui devait se produire arriva.
Un policier pousse la porte du sous-sol de Maury Troy Davis. C’est un choc.
Enfoui sous terre se trouve une véritable salle de torture. Croix en bois, liens, chaînes, … Les enquêteurs se disent d’abord que Maury Troy Davis a un penchant sur le bondage, ce qui est son droit le plus absolu.
Passés au luminol, ces objets scintillent. Hum… Non. Ne tirons pas de conclusions hâtives. Peut-être que pendant leurs jeux, les amants se sont accidentellement blessés.
En fouillant la pièce, ils trouvent des cassettes cachées dans un mur. L’une d’entre elles porte un titre évocateur : « Your wedding day ». En français, « le jour de ton mariage ». Bizarre…
Les inspecteurs la glissent dans un magnétoscope et appuient sur « Play ». Dès les premières images, leurs poils se hérissent.
On y voit une jeune femme attachée en train de crier tandis que Maury Troy Davis s’en prend à elle.
The Wedding Day est tout sauf une compilation de moments joyeux.
Sur les enregistrements, Maury Davis donne du crack à des prostitués, les viole, les bat, les ligote, les bâillonne. Le carnage est tel que tous les policiers devront voir un psychologue pour s’en remettre. Et le pire, c’est que les abus sont aussi mentaux.
Dans une séquence baptisée « another cracked hoe » ou « une autre p*te accro au crack », Maury s’érige en défenseur de la bienséance.
Travis : Tu veux dire quelque chose à tes enfants ?
Victime : Je suis désolée.
Travis : Qui élève tes enfants ?
Victime : Moi, ma mère et mon père.
Travis : Tu ne les élèves, salope. Tu es là, à fumer du crack. Tu ne rentreras pas chez toi demain. Je te garde environ une semaine. Est-ce que tout va bien ?
Et c’est quelque chose d’absolument choquant. Lors de ces tortures, Maury Davis répète que ses victimes le mérite. Qu’elles sont des rebues de la société. Qu’elles sont de mauvaises personnes. Qu’il rend service à la société.
Ayant le mépris le plus total pour ces pauvres femmes, Maury Davis en assassine deux face caméra.
Après les avoir torturé durant des heures, l’homme place ses mains autour de leurs gorges. Et il serre. Sous son emprise, les femmes se débattent, essaient de retirer ses mains. Mais rien. Elles sont affaiblies par les abus. Il est enhardi par sa soif de sang.
Par deux fois, face caméra, Maury Davis étrangle deux femmes.
À ce stade, il n’y a plus de doutes : Maury Troy Davis est une menace pour la société. Le plus surprenant, c’est que rien ne laissait présumer un naturel aussi violent.
Les deux faces d’un même miroir
C’est le 25 octobre 1965 que naît Maury Troy Davis.
Très peu d’informations sont connues sur sa mère, Sandra, et son père, Michael. On sait juste qu’ils sont mariés, de la classe moyenne et vivent au Carr Square Village. À six ans, Maury se met à fréquenter l’école publique de Saint-Louis. Il y restera jusqu’en 1975.
En avril 1976, le couple achète une maison de trois chambres au 1001 Ford Avenue Ferguson. Malheureusement, deux ans après, les amants divorcent.
Malgré tout, les parents restent en bons termes. Et surtout, tous deux sont très présents dans la vie de leur fils.
Selon les voisins, Maury Troy Davis était un garçonnet poli, respectueux et qui aimait rendre service. Par exemple, il taillait la pelouse de ses voisins sans qu’ils aient à demander. Ou alors, il aidait les seniors avec les appareils électriques.
En 1981, Maury Troy Davis est élève à la Ferguson Junior High School. Quatre ans plus tard, il obtient son diplôme au McCluer High School.
Là encore, Maury ne créé pas de vagues. Ses camarades le décrivent comme un adolescent calme quoique social. Sue Hanan, sa professeure d’anglais, était impressionnée par son stoïcisme.
Par la suite, sa trace se perd un peu. On sait qu’il a travaillé dans une Réserve militaire en tant qu’assistant médical. Il semble aussi qu’il ait enchaîné des petits jobs dans la logistique.
En 1987, alors qu’il a 22 ans, Maury Troy Davis s’inscrit au Morris Brown College d’Atlanta. Pas de bol, durant cette période, il devient accro à la cocaïne.
Son addiction marque le début de ses problèmes.
En 1988, Maury Troy Davis dépense jusqu’à 300 $ par jour pour nourrir sa dépendance. À court de liquidités, il cambriole cinq magasins de chaussures dans le comté de Saint-Louis.
Pour ces crimes, il passera cinq ans au centre correctionnel de Farmington. Une fois libre, il violera les termes de sa liberté conditionnelle par deux fois. La première en 1998 et la seconde en 2000.
Entre ses aller-retours en cellule et son addiction, Maury Troy Davis vit en dessous de son potentiel réel.
À 36 ans, il vit encore chez sa mère et survit grâce à des postes temporaires de serveur.
Mais là encore, de l’avis général, c’est quelqu’un de bien. Il est tellement poli et serviable que tous ceux qui apprennent ses mésaventures le plaignent. Si seulement ils savaient…
Le mystère de Maury Troy Davis
En fouillant les affaires de Maury Troy Davis, la police se rend compte qu’il a ôté la vie à moins sept personnes.
Dans sa lettre, Maury mentionnait 17 victimes. Est-ce vrai ? Est-ce faux ? Difficile de savoir.
En effet, Maury Troy Davis s’en prenait à des reclus de la société. Travailleuses du sexe prêtes à tout pour quelques dollars, toxicomanes en quête de leurs prochaines doses, … Maury visait des personnes oubliées de tous.
En journée, il était le gentil Maury Troy Davis. La nuit, il arpentait les quartiers mal famés de Saint-Louis en quête de victimes.
Au vu des conditions de vie de ces femmes, presque personne ne s’inquiétait de leur absence. Et quand bien même, les dossiers étaient rapidement oubliés au fond de tiroirs.
Seul Maury Troy Davis sait exactement qui il a tué.
Le hic, c’est qu’il ne dit rien.
Face à Sachs, il répond aux questions sans réel engouement.
Oui, il a déjà eu des petites amies. Oui, il lui arrive de payer pour des prostituées. Non, il n’a jamais été victime d’abus. Il est juste né comme ça, avec cette soif irrépressible de tuer.
Maury Davis ne nie pas mais il ne parle pas.
Il ne donne ni les noms, ni le nombre de ses victimes. Il ne fait aucune mention de l’emplacement de leurs corps. Et sans surprise, il ne leur témoigne pas la moindre compassion.
À bout, Sachs passe le relais à Douglas et à Walker. Dix-neuf minutes après, Maury Troy Davis demande un avocat et se terre dans le silence.
Il ne dira plus rien.
Le 17 juin 2022, refusant d’affronter les conséquences de ses actes, Maury Troy Davis se pend dans sa cellule.
Encore aujourd’hui, le nombre exact de ses victimes n’est pas connu. Seuls 12 crimes lui ont été attribués avec certitude :
- Mary Shields, 61 ans ;
- Cassandra F. Walker, 19 ans ;
- Alysa Greenwade, 34 ans ;
- Teresa Wilson, 36 ans ;
- Betty James, 46 ans ;
- Verona Thompson, 36 ans ;
- Yvonne Crues, 50 ans ;
- Brenda Beasley, 33 ans ;
- Une femme non identifiée à Mascoutah ;
- Une femme non identifiée à Highland ;
- Une femme non identifiée à Columbia ;
- Une femme non identifiée à West Alton.
Le pire dans cette histoire, c’est que si Maury n’avait pas décidé d’écrire à Bill Smith, personne n’aurait su qu’un tueur en série rôdait à Saint-Louis.
Absolument personne n’avait fait le lien entre ces affaires. Et comme dit plus haut, beaucoup de ces disparitions n’avaient même pas été signalées.
À ce jour, la seule personne à avoir le fin mot de l’affaire est Maury Troy Davis. Et fidèle à lui-même, il a choisi d’enterrer son secret dans sa tombe.
Malheureusement, c’est sur une note inachevée que se termine cette histoire.
[Mot de fin du youtubeur]
Références bibliographiques
1. https://en.wikipedia.org/wiki/Maury_Travis
2. https://murderpedia.org/male.T/t/travis-maury.htm
3. https://youtu.be/r3to9uQifC0
4. https://fox2now.com/news/true-crime/serial-killer-maury-travis-the-street-walker-strangler/
7. https://www.stltoday.com/news/maury-travis/article_089c4fc2-79a9-553c-8dac-e1baeb6d468b.html
8. https://www.ctvnews.ca/world/a-timeline-of-high-profile-u-s-serial-killers-1.3902192?cache=8
10. https://www.redfin.com/MO/Saint-Louis/1001-Ford-Dr-63135/home/93379134
11. https://youtu.be/n6evxnMA53k