Oui, ce titre est volontairement sulfureux… Et oui, cher lecteur, tu t’apprêtes encore à lire un article traitant de la grande tendance du moment : l’entrepreneuriat.
Il est partout… À la télé, toute émission d’actualité qui se respecte se doit d’avoir une tribune consacrée aux start-ups. Dans les chaînes de radio, ces innovateurs d’un nouveau genre, souvent très jeunes et avec des produits tech, sont portés en liesse. Et que dire des multiples salons ou forums autour de la création d’entreprises ?
À la relecture du paragraphe précédent, je ne peux pas m’empêcher de faire la moue… Je deviens vieille et aigrie… Ne sois pas gêné d’y avoir pensé : effectivement, c’est le cas.
Cher lecteur, loin de moi l’idée de te faire la morale ou de te décourager. Cependant, cela fait plus d’une décennie que je suis professionnellement active et plus de 80 % de mes revenus sont issus de l’auto-emploi. C’est pourquoi quand je lis certaines choses à propos à propos de l’entrepreneuriat, je ne peux pas m’empêcher de grincer des temps…
Je suis sûre d’une chose : je ne rentrerais probablement jamais vers le CDI classique. Mais je suis aussi sûre d’une autre chose : les nombreux mythes véhiculés sur la création d’entreprises font plus de mal que de bien.
À commencer par celui-ci.
1. L’entrepreneur est libéré, délivrééé
Que nenni ! Cher lecteur, si tu envisages de devenir entrepreneur pour travailler seulement quand et si tu le veux, tu te mets le doigt dans l’œil…
Techniquement, il est vrai qu’en l’absence de supérieur hiérarchique, il n’y aura personne pour te crier dessus. Il est aussi vrai que rien ne t’obligera à te lever avant 10 heures du matin…
Dans les faits, c’est toute autre chose. Tu n’auras plus un mais des centaines voire des milliers de patrons. Les impôts cogneront à ta porte chaque fin de mois, tes employés attendront énormément de toi et surtout tes clients tiendront ta vie entre leurs mains… Déçois-les et ils te conduiront à la ruine au-travers de critiques acerbes ou en allant faire leurs courses ailleurs.
En t’installant à ton propre compte, tu as le pouvoir de créer sans limites. Mais comme l’a si bien dit l’oncle de Spider-Man :
« un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ».
Si tu n’es pas prêt à faire certains sacrifices, ne t’engages pas sur le chemin de l’entrepreneuriat.
2. Bigger is better
Les histoires à succès de géants tels qu’Alibaba, Amazon ou Facebook font rêver… Cher lecteur, je sais que quelque part dans ta tête, tu rêves d’être le prochain Bill Gates et c’est bien… Mais tout le monde ne créera pas le prochain Apple et c’est tout aussi bien.
Ce n’est pas parce que ton produit n’a pas (encore) le pouvoir de sortir 25 millions de personnes de la misère qu’il n’est pas utile. Oui, ton marché cible, c’est ton arrondissement de résidence, et alors ?
Tu t’en doutes sûrement au vu de mes écrits mais je tiens à le clarifier : je suis tout sauf une adoratrice de la culture start-up.
Ce que j’y déplore, c’est la course aux gros chiffres. À peine le produit/service est-il plus ou moins viable qu’on pousse l’entrepreneur à lever des fonds… Et pas des petits budgets monsieur, ici, nous jouons dans la cour des grands. Comme si pour qu’un projet soit bon, il devait nécessiter des millions pour ne serait-ce que pénétrer le marché…
Ce que je regrette, c’est cette course aux chiffres et aux médailles. Depuis quand ouvre-t-on une compagnie dans le seul but de convaincre des business angels, de gagner des compétitions de pitch ou de décrocher des titres ?
Il est tout à fait possible de démarrer une entreprise avec un petit budget et d’en faire une multinationale. Paradoxalement, c’est ce que la plupart des modèles de la culture start-up ont fait. Et aujourd’hui, ceux qui les prennent pour exemples rêvent d’engranger des millions avant même d’avoir vendu 01 article…
3. Les jeunes sont le flambeau de l’entrepreneuriat
Oui, je sais… Dans ton esprit, créateur d’entreprise = Marck Zuckerberg âgé de 21 ans et en train de coder Facebook dans sa chambre d’étudiant… Même si j’ai une aversion certaine pour la version Business de ce réseau social, je dois admettre que le storytelling de la compagnie est excellent.
Je n’ai pas de chiffres officiels à donner mais je pense que l’épopée de Marck Zuckerberg a énormément motivé les jeunes étudiants à se lancer dans l’entrepreneuriat.
En revanche, ce sur quoi je peux donner des chiffres, c’est la réalité du terrain. Cher lecteur, tu commences à me connaître. J’aime les propos étayés de preuves concrètes. Et laisses-moi te dire que tu risques de tomber de haut…
Au Cameroun, selon un rapport de l’Institut National de la Statistique (INS), 35 % des entreprises sont créées par des personnes âgées entre 30 et 39 ans et 23 % par les 40 – 49 ans. En tout, ce sont donc 53 % des business qui sont lancées par les 30-49 ans. On est donc très mais vraiment extrêmement loin du mythe de l’entrepreneur révolutionnaire de 22 ans…
Si tu es Camerounais, je sais ce que tu t’apprêtes à me dire : « le Cameroun, c’est le Cameroun », « ce pays a été confisqué par les personnes du 3e âge depuis fort longtemps… », « ailleurs, les choses ne se déroulent pas comme ça… », etc. Allons donc explorer ce qui se fait ailleurs.
En fin 2019, le Guidant Financial a publié les chiffres sur l’entrepreneuriat américain : 60 % des compagnies y sont ouvertes par des personnes âgées entre 40 et 60 ans. En France, si on se fie aux chiffres du site economie.gouv.fr, l’entrepreneur moyen a 38 ans et demi.
Si tu bois les unes de magazines comme du petit lait, ces données risquent de te surprendre. Si par contre, tu observes la scène entrepreneuriale avec plus de pragmatisme que d’utopisme, ce n’est pas une surprise. L’entrepreneuriat n’est ni la solution miracle au chômage, ni un moyen de se créer un revenu immédiat. Avant de lancer son business, il faut développer des compétences pointues dans un domaine précis, tisser ton réseau relationnel et surtout mettre de l’argent de côté.
Ce qui nous amène au quatrième point, celui de la douloureuse.
4. L’argent n’a pas d’importance
FAUX ! L’argent est crucial pour réussir en tant qu’entrepreneur. Tu as besoin d’argent pour assurer les charges courantes, pour payer tes prestataires et accessoirement, ne pas mourir de faim.
Alors, je sais… Aujourd’hui, avec le financement participatif & co., cela semble plus simple de lancer son entreprise.
Néanmoins, je tiens à préciser que l’entreprise qui a démarré avec 0 francs n’existe pas.
Même pour tester un concept en ligne, il faut des sous. Comment crois-tu que tu auras un site web, une landing page professionnelle et une portée maximale ? L’une des meilleures façons pour rester pauvre est de refuser de regarder l’argent droit dans les yeux… Ajoutes-y un déni certain de la réalité et tu comprendras pourquoi les pauvres restent pauvres.
Sans devenir pingre, il est impossible de manager correctement une entreprise si on est mal à l’aise avec les chiffres.
5. Pour réussir, il faut être accompagné
Cette partie sera un peu spéciale… Elle risque de choquer nombre d’entre vous, c’est pourquoi je l’ai gardé pour la fin… Je suis loin d’être stupide : si je l’avais placé en début d’article, vous auriez claqué la porte dès les premières lignes.
Cher lecteur, dans cette section, je vais mettre un accent particulier sur les incubateurs.
Je n’en suis pas fan (encore !?) tout simplement parce que j’ai de la peine à voir leur impact réel.
Avant de limer ta machette et de me taillader virtuellement, laisses-moi t’expliquer.
Deux des meilleures choses qui ne me soient jamais arrivées dans ma vie, c’est de participer à l’Académie Camerounaise de Leadership (ACL) et d’être sélectionné au YALI Dakar.
Dans le premier cas, j’ai appris tellement sur moi en tant que personne… Dans ma façon d’agir avec les autres, je peux affirmer qu’il y’a un avant et après ACL.
Que dire du YALI Dakar ? Les mots me manquent pour dire à quel point cette formation m’a ouvert les yeux sur mon entreprise…
À mon retour du Sénégal, j’avais compris ce qui n’allait pas, comment y remédier et surtout j’avais un plan d’attaque bien précis. J’ai fait une refonte totale et en appliquant les leçons apprises, j’ai pu créer Careness qui marche mieux sur tous les plans.
Combien d’entrepreneurs couvés dans un incubateur peuvent en dire autant ? Cher lecteur, je ne sais pas comment les choses se déroulent dans ton pays et je serais plus qu’heureuse que tu me le dises en commentaires, mais ici, au Cameroun, je n’ai pas l’impression que les incubateurs soient réellement productifs.
Combien d’entre eux peuvent dire « Voici une start-up que nous avons encadrés. Aujourd’hui, elle est devenue une entreprise rentable » ?. De l’autre côté, combien de jeunes dans ces structures peuvent dire, chiffres à l’appui : « Depuis que je suis incubé à X, mes revenus ont augmentés de Y % ? ».
Un an après avoir commencé à vendre des bougies de massage, j’avais rédigé un article bilan dans lequel je parlais des grands méchants de rêves… Malheureusement, beaucoup d’incubateurs entrent dans cette catégorie. Ils ont besoin de start-ups pour avoir des partenaires, des sponsors et donc de l’argent – car oui, les promoteurs de ces espaces doivent vivre, ce qui est parfaitement normal.
Le hic, c’est si de l’autre côté, le porteur de projet n’a ni l’accompagnement technique qu’on lui avait produit, ni le mentoring ou les mises en relation qu’on lui faisait miroiter. Si à part pitcher son projet à gauche et à droite, il ne fait pas grand-chose, c’est qu’il y’a un sérieux problème.
Et, malheureusement, de ce que j’ai pu constater, c’est ce qui se passe dans la plupart des incubateurs Camerounais.
Donc oui, « seul on va vite mais ensemble, on va plus loin » à condition que la collaboration soit de qualité. Autrement, n’oublies pas cet autre adage : « mieux vaut être seul que mal accompagné ».
As-tu lancé une entreprise et qu’as-tu appris en cours de route ? Si tu fréquentes un incubateur, quel est ton ressenti ?
Tes réponses sont attendues en commentaires et surtout, SURTOUT, rejoins la newsletter pour être notifié par email dès qu’un article paraît.
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