Storytelling.
« Technique de communication politique, marketing ou managériale qui consiste à promouvoir une idée, un produit, une marque, etc., à travers le récit qu’on en fait, pour susciter l’attention, séduire et convaincre par l’émotion plus que par l’argumentation. » – Source : Dictionnaire le Larousse.
Selon le journaliste Patrice Bollon, le storytelling est né aux États-Unis à la fin des années 90. Alors que l’industrialisation battait son plein, c’est tout un chacun qui cherchait à se différencier de la concurrence.
Vendre moins cher ? Impossible de descendre plus bas que les produits low-cost. Miser sur les gros volumes ? Seules les grosses manufactures pouvaient se permettre un tel luxe.
En fouillant bien, les as du marketing ont fini par trouver une solution : le storytelling.

Concrètement, il s’agit de raconter une histoire pour rallier des personnes à une cause et, par ricochet, les pousser à acheter vos produits.
Je ne vais pas vous refaire une leçon sur le storytelling. Ce terme est partout et est revisité à toutes les sauces. En même temps, il faut avouer que les chiffres parlent d’eux-mêmes :
- 81 % des clients disent qu’ils ont besoin de faire confiance à une marque pour acheter auprès d’elle (source : edelman) ;
- le storytelling accroît le taux de conversion de 30 % (source : search engine watch) ;
- quand l’histoire d’une marque plaît, 15 % des clients achètent immédiatement, 44 % vont partager le récit et 55 % des prospects achèteront dans le futur (source : headstream).
Raconter une belle histoire est le moyen le plus sûr de vendre aussi bien du concentré de tomates à 100 f CFA qu’un téléphone à 1,2 million. Et pour rédiger des textes qui font pleurer sous les chaumières, inspire-toi de l’œuvre de Koyoharu Gotouge : Demon’s slayer.
*** Vidéo YouTube reprenant le contenu de l’article ***
Attention, il y a beaucoup, beaucoup de spoil.
1. Ne pas perdre de vue l’objectif
Sur le papier, le scénario de Demon’s slayer ne casse pas trois pattes à un canard.
Suite à un temps nuageux, Tanjiro Kamado doit passer la nuit hors de chez lui. De retour dans sa home sweet home, il est frappé par une scène d’horreur. Tous les membres de sa famille ont été brutalement massacrés. Heureusement, une personne a survécu : sa petite sœur, Nezuko.
Sauf que… coup du sort… Nezuko est devenu un démon. Désormais dotée d’une force surhumaine, elle est néanmoins allergique au soleil. Tanjiro n’a plus qu’un seul but : rendre de nouveau sa petite sœur humaine.

Pour cela, il rejoindra les Pourfendeurs de démons et se mettra en quête du démon originel, à savoir Muzan Kibutsuji. Dans la foulée, il se liera d’amitié avec Inosuke et Zenitsu, fera la rencontre la rencontre des neuf piliers et affrontera les lunes démoniaques.
Sur le papier, l’histoire de Demon’s slayer est simple. Mais dans ce cas, comment se fait-il qu’il s’agisse du manga le plus vendu au Japon en 2019 et en 2020 ? Comment est-ce que son film d’animation est parvenu à engranger 348 millions de dollars, devenant l’opus le plus rentable au monde ?
Eh bien, la réponse tient en un mot : concentration.
À la différence de trop nombreux animes (One piece, Naruto, Détective Conan, etc.), Demon’s slayer n’a pas cédé aux sirènes des hors-séries, des préquels et autres épisodes de remplissage. Tanjiro a un but : faire de Nezuko une humaine et chaque épisode de Demon’s slayer va dans ce sens.
Bien sûr, l’anime est loin d’être égocentrique. Au cours des épisodes, on en apprend plus sur les autres protagonistes mais jamais, la série ne dévie de sa trajectoire. Jamais. Et ça, c’est quelque chose qui rend le manga incroyablement addictif.
Le storytelling, c’est aussi une question de choix. C’est prendre la décision de ne raconter qu’une histoire à la fois. Pas deux. Pas trois. Pas quatre. Une seule. Et c’est quelque chose que Demon’s slayer fait mieux que beaucoup d’autres animes.
2. Mettre un terme à la tyrannie du succès
Demon’s slayer est un Shonen typique : le héros pleure, crie à la moindre occasion et se confronte à ses faiblesses pour devenir meilleur. Sans réinventer la roue, Demon’s slayer raconte extrêmement bien la progression de ses héros.
Plus que la re-humanisation de Nezuko, Demon’s slayer est une ode à l’apprentissage continu.
Et à mon sens, personne ne représente aussi bien cette progression que ma lune démoniaque préférée : Akaza.

Akaza est le 3e sbire démoniaque le plus fort de la saga. C’est un expert en arts martiaux qui respecte les forts, méprise les faibles et est d’une intégrité sans failles. Mais avant tout, c’est un homme brisé.
En tant qu’humain, la vie lui a pris son père, son maître et son âme sœur et à chaque fois, dans des circonstances tragiques. Transformé en démon par Muzan, il vouera une haine sans failles à tous les faibles et s’attèlera à les exterminer.
Lors du combat final, il affrontera Tanjiro et Giyu dans la forteresse para dimensionnelle. Et au fur et à mesure du combat, il fera un constat. Depuis toutes ces années, le « faible » qu’il cherche à éliminer n’est autre que lui-même.
Rongé par la culpabilité de n’avoir su protéger ses proches, Akaza a passé plus de 300 ans à chercher une échappatoire. Au moment où il le réalise, il fait enfin la paix avec lui-même et décide de s’ôter la vie.
Si le storytelling d’Akaza est aussi touchant, c’est parce qu’il raconte l’histoire d’un individu, dans ses réussites et ses échecs, au plus près de la réalité de la vie. Ce n’est pas tellement le but qui compte mais le chemin parcouru.

Pour vous dire, la révélation d’Akaza ne le conduit pas dans la zone grise, une sorte de Nirvana réservé uniquement aux combattants surdoués. Paradoxalement, pendant toute sa vie de démon, il s’est entraîné d’arrache-pied pour y accéder. En parallèle, il n’y a pas de victoire pour Tanjiro et Giyu car Akaza leur est largement supérieur en combat et a même réussi à se rendre immortel.
Pourtant, au sortir de ce combat, les trois protagonistes sont heureux. Akaza trouve la paix. Tanjiro et Giyu se rapprochent un peu plus de Muzan.
Avec ce combat, Koyoharu Gotouge réalise un chef-d’œuvre de storytelling. Raconter une belle histoire, c’est aussi se libérer de la tyrannie du succès en rendant la victoire facultative. Ce qui compte réellement, ce sont les changements qui s’opèrent dans les héros et chez les lecteurs.
3. Nuancer ses personnages
Dans les contes pour enfants, tout est extrêmement simple. Soit c’est noir, soit c’est blanc. Point. Il n’y a jamais d’entre-deux. Dans la vraie vie, la donne est complétement différente.
Seule 4 % de la population mondiale est sociopathe (source : tf1info.fr) et cela ne rime pas toujours avec la violence. Le monde n’est pas fait de noir ou de blanc mais d’un camaïeu de gris. Les personnes intègres peuvent poser des actes condamnables et même le plus vil des criminels peut avoir le cœur sur la main.
Les « méchants » ne sont pas juste méchants pour le plaisir de faire souffrir les autres. Blessures d’enfance, environnement toxique, perception biaisée, … Bien que doté du libre arbitre, l’Homme reste encore le fruit de son environnement.
Et ça aussi, c’est quelque chose qui transparaît dans Demon’s slayer.
S’il faille se limiter uniquement à l’anime, deux exemples me viennent à l’esprit : Rui, le démon-araignée de la saison 1 et Daki et Gyutaro, les antagonistes de la saison 2. Pour éviter que cette vidéo ne s’éternise, concentrons sur la sœur et le frère démoniaques.

Daki et Gyutaro sont deux démons surpuissants qui ont fait du quartier des plaisirs leur terrain de chasse. Ne nous mentons pas… Daki est une femme capricieuse et son frère, Gyutaro, est un homme aigri qui prend plaisir à torturer les autres.
À première vue, il est facile de les ranger dans une case : ce sont des démons, ils sont méchants. Basta !
Mais, quelque chose chez eux pousse à mettre de l’eau dans son vin.
Tout d’abord, leur amour l’un envers l’autre. Si vous regardez Demon’s slayer, vous savez que la transformation démoniaque annihile toutes formes de sentiments envers les proches humains.
Par exemple, la mère de Genya dévorera ses propres enfants une fois transformée en démon. Rui tuera ses parents de ses propres mains. Et Tamako ôtera la vie à son mari et à ses enfants pour se sustenter.
Daki et Gyutaro sont différents.
Alors même qu’ils sont devenus des démons, ils ont maintenu une relation fraternelle symbiotique et ne se sont jamais quittés. C’est dire à quel point la relation qui les unissait et les unit toujours est sincère. Un peu comme celle qui relie Tanjiro à Nezuko.
Et ce n’est pas tout…
Suite à leur défaite, Gyutaro se replonge dans leur passé, nous faisant découvrir leur histoire. Et là, difficile de ne pas avoir un pincement au cœur… Daki et Gyutaro sont certes cruels mais ils sont avant tout le reflet de leur environnement. Ils renvoient l’énergie qu’ils ont eux-mêmes reçus plus jeune, à savoir de l’indifférence envers autrui et de l’égoïsme.
Et ce qui est d’autant plus tragique, c’est que dans le fond, ils n’étaient pas de mauvaises personnes. Gyutaro était un enfant mal aimé, négligé par sa mère et traité comme un paria uniquement à cause de son apparence non-conventionnelle. Daki, de son vrai nom Ume, était une jeune fille naïve qui adulait son grand frère et dont la beauté attirait les convoitises.
En racontant leur histoire, Koyoharu Gotouge pousse le spectateur à se demander « et s’ils avaient grandi dans un environnement moins hostile ? ». Mieux encore… Au-travers d’une scène iconique, il fait de Daki et de Gyutaro les reflets déformés de Nezuko et de Tanjiro.
Par là-même, Demon’s slayer rend ses personnages attachants et permet au spectateur de se glisser dans leurs peaux.
C’est la fin de ce billet sur Demon’s slayer et sur son excellent storytelling.
Est-ce un manga/anime que vous affectionnez ?
En commentaires, dites-moi ce qui vous plait tant dans l’histoire de Nezuko et de Tanjiro. Et surtout, SURTOUT, abonnez-vous à la newsletter pour être notifié par mail dès qu’un article paraît.

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